top of page

…/

Je m’aperçois seulement maintenant qu’un poste de radio diffuse en permanence de la musique classique. Du Chopin, sur les beaux yeux de Micheline Dupont, une polonaise de Chopin.

Je suis ému. Je la regarde. Sérénité, douceur, calme, maîtrise. Une beauté derrière les apparences, enfouie dans l’incognito d’un bureau. Elle me sourit. Et je la désire soudain pour moi seul. Son sourire est paisible et bon. Réconfortant. Pas commercial. Elle ressemble à une mamie gâteau et je suis déjà à l’âge de la retraite, me dis-je, rien n’est perdu, et mes pensées s’élaborent avec une ardeur de jeune homme.

 

« Madame, je vous trouve très belle. Permettez-moi de vous inviter à prendre un thé, à la sortie de votre travail. »

« Monsieur, me répond-elle, vous êtes le premier visiteur depuis sept jours dans le bureau de la Technique et vous faites de plus attention à moi. Je crois que je vais accepter, en toute simplicité. J’ai passé l’âge des plaisirs qu’on se refuse par orgueil et par bêtise. Vous êtes envoyé par la Providence à qui j’ai l’habitude de devoir les grandes et les petites joies de ma vie. Démêlons ce mystère autour d’une tasse de thé, soit. Très volontiers ».

 

Mais je ne dis rien, elle ne dit rien.

Et entre dans la pièce un homme de haute stature avec la mâchoire carrée. Le directeur . Je cherche désespérément à lire dans les beaux yeux bleus une dernière fois, avant d’être englouti par la Technique.

 

l'espace d'un regard.jpg
bottom of page